Une Association de Vernon travaille avec le diocèse pour briser l’omerta

Victime d’inceste étant enfant, Claire-Aurélie Véraquin a été sauvée grâce à sa foi. Cette même foi qui lui donne la force, aujourd’hui, de se dresser contre les prédateurs qui sévissent au sein de l’Église catholique.

Pendant deux ans, la présidente de l’association d’aide aux victimes d’agressions sexuelles, les Enfants de Tamar, à Vernon (Eure) a pris part à un projet de formation lancé par le diocèse d’Évreux (Eure) pour lutter contre la pédocriminalité dans l’Église.

Ces formations seront bientôt dispensées aux membres de l’Église, religieux ou laïcs.

Écouter la parole d’une victime

Comme d’autres intervenants, Claire-Aurélie Véraquin a participé aux discussions en tant que personne extérieure à l’Église.

« La volonté du diocèse était de travailler avec des personnes de tous horizons. L’auditoire a pu entendre le discours d’une victime et les répercussions d’une agression sexuelle sur le long terme. Nous avons réfléchi à la façon de protéger les enfants et de recueillir la parole des victimes. »

Claire-Aurélie VéraquinPrésidente des Enfants de Tamar

Une mission qu’elle se donne déjà depuis quelques années, avec son association. Elle reçoit beaucoup de témoignages de victimes d’inceste mais a aussi accompagné des personnes qui ont été agressées au sein de l’Église.

« Il faut prolonger le délai de prescription »

« Les personnes qui se confient ne sont pas des enfants, mais des adultes. Les victimes peuvent mettre plusieurs années avant d’oser parler. Il faut prolonger le délai de prescription afin de leur donner une chance de faire appel à la justice. »

Claire-Aurélie Véraquin

Mais avant d’amener l’affaire au tribunal, il faut savoir écouter la victime et recueillir son témoignage.

« Elles ont besoin de gens qui les croient. On pense que c’est inimaginable mais il faut arrêter de se faire une image idolâtrée du prêtre. Ce n’est qu’un homme. »

Claire-Aurélie Véraquin

Une association dans l’Eure favorise la libération de la parole

Dans l’ancien Testament, Tamar est une jeune fille victime d’inceste. C’est tout le combat de Claire-Aurélie Véraquin, la fondatrice de l’association Les enfants de Tamar créée le 13 novembre 2018. Un combat que cette femme assume aujourd’hui après avoir elle-même été victime d’un père incestueux. Sa reconstruction fut longue : « Elle est passée par l’écriture de mon livre Du viol au pardon. C’est surtout la rencontre du public et l’interpellation d’élèves en danger qui m’ont fait agir. Ce fut une évidence pour moi de fonder une structure pour protéger les enfants des violences sexuelles. Cela n’existait pas dans le département de l’Eure », se souvient la professeur en lycée.

« L’important c’est l’accompagnement »

 

Depuis, Claire-Aurélie Véraquin rencontre des professionnels et surtout des victimes. Et les chiffres sont effroyables selon elle : « 95 % des violences sexuelles sur les enfants se déroulent dans leur famille, 60 % des viols sont commis sur des mineurs et 1 enfant sur 5 est agressé, 55 % des victimes ne parlent pas et quand elles le font, 70 % des plaintes sont classées sans suite et 1 % uniquement arrive au bout des procédures. C’est intolérable ! Nos enfants ne sont pas en sécurité et surtout chez eux. Alors, pour nous, l’important c’est l’accompagnement et croire l’enfant pour l’emmener vers une guérison. »

Pour ce faire, grâce au soutien d’une avocate, de 2 psychologues, d’une victimologue et de plusieurs psychothérapeutes, l’association prend en charge l’accompagnement de victimes par des groupes d’écoute et de parole — « où il faut prendre le temps et mettre des mots sur les conséquences post-traumatiques, explique Claire-Aurélie Véraquin. D’ailleurs, la première action est de déposer plainte » — par des ateliers d’expression (écriture, art-thérapie, socio-esthétique, équicoaching) et par des rencontres avec les parents et les aidants afin de trouver les meilleurs thérapeutes.